Le Réseau Transition s’est lancé à la mi-octobre dans un riche processus de réflexion sur « la résilience du soutien à la Transition et son déploiement », dans le contexte particulier du développement important du mouvement de la Transition combiné à une tendance inverse des soutiens publics. Cet article vous présente les premiers fruits de ce processus collectif.
Comme nous vous l’expliquions dans l’article « Le Réseau Transition lève le nez du guidon » , nous avons démarré il y a quelques semaines un processus important pour permettre à l’équipe salariée du Réseau Transition de prendre du recul. La question principale au coeur de cet hivernage est liée au défi de soutenir le déploiement impressionnant de la Transition en Belgique, avec des nouvelles initiatives et projets de Transition qui continuent à démarrer chaque semaine, tout en nous adaptant à un contexte financier compliqué (complexité croissante pour obtenir du soutien et de l’argent public). Aujourd’hui, l’équipe fait beaucoup d’heures supplémentaires, court beaucoup et est financée principalement pour travailler sur des projets qui sont contraints par des subventions et qui ne sont pas toujours au service des initiatives de Transition et de notre raison d’être.
Favoriser le déploiement et l’émergence, inspirer mettre en lien et soutenir les initiatives et acteurs de la transition
Raison d’être de l’asbl Réseau Transition
Nous avons donc travaillé sur un élément essentiel de la Transition, la résilience, en cherchant à augmenter celle de notre propre organisation. Comme vous le verrez dans la suite de cet article, nous avons fait appel de façon régulière à l’écosystème de la Transition pour nourrir nos réflexions et guider nos choix.
Nous avons souhaité vous partager nos réflexions et détailler les processus mis en place afin que vous puissiez pleinement prendre part à cette réflexion lors de la Convivi’AG du 8 décembre.
Par ailleurs, dans cet esprit, nous vous encourageons également à prendre des moments de recul dans vos propres initiatives et projets, et pourquoi pas, vous inspirer dans la dynamique et méthodes présentées dans cet article.
Comment briser le plafond de verre qui empêche la Transition de vraiment prendre de la place dans notre société ? Comme y arriver sans s’épuiser ?
Deux questions au coeur du processus d’hivernage
Dans un monde où l’on nous apprend parfois à jouer au plus fort, nous souhaitons au contraire partager nos ombres, nos doutes et nos faiblesses… et les moyens mis en oeuvre pour évoluer !
La théorie U comme cadre de travail
Notre dynamique s’est construite à partir de la Théorie U de Otto Scharmer qui propose un travail en profondeur pour permettre à une organisation d’évoluer d’une situation initiale problématique (en haut à gauche du « U » ci-dessous) vers une nouvelle situation qui est émergente et a envie de se déployer (partie droite).

La première étape consiste à nous connecter au monde situé au-delà de nos cercles classiques de fonctionnement, pour observer, sentir le terrain et tenter d’adopter un nouveau regard sur notre organisation. Ce processus invite à un lâcher-prise pour accueillir et intégrer pleinement les constats partagés.
A partir de ce lâcher prise, la seconde étape nous amène jusqu’au fond du U pour nous connecter à notre monde intérieur, notre intériorité et permettre à nos savoirs intérieurs d’émerger.
La dernière étape de la théorie du U consiste à « laisser-venir » (complémentaire au « lâcher-prise ») de nouvelles perspectives, façons de fonctionner et projets qui seront testés et éventuellement incorporés au sein de la nouvelle dynamique en place.
François, Géraldine, Josué et Mayliss ont accepté de se lancer dans ce processus de réflexion à partir de la question initiale:
« Comment soutenir le déploiement de la Transition et passer le cap ? »
Dans ce processus, Caroline a offert un précieux soutien à Mayliss dans la facilitation. Nous avons cherché à ouvrir la réflexion dès que nous l’avons pu aux acteurs de l’écosystème.

Déroulé, constats et premières pistes
Après avoir ritualisé l’engagement de chacun dans ce processus, les membres de l’équipe ont partagé leurs diverses façons de réagir en situation de crise et réalisé un donut des valeurs lié au Réseau Transition. L’objectif de cette étape était de mieux comprendre l’impact de nos propres personnalités sur ce qui est en train de se passer, et de comprendre les valeurs qui se cachent derrière les choix réalisés.
Cet exercice nous a permis de nommer plusieurs nœuds et blocages dans notre fonctionnement. Cette « mise à nu » nous a permis de les adresser plus frontalement, maintenant qu’ils sont dans le visible.

Après deux semaines, il a cependant fallu dresser le constat qu’il est difficile de ralentir. Les projets et les sollicitations s’accumulent et le travail de fond dans les rôles est difficile à réaliser. Bref, l’équipe n’hiberne pas totalement.
L’équipe a alors reçu un devoir : Appeler des partenaires et leur demander quelle est leur vision du Réseau Transition, de sa raison d’être et de ses actions.
La troisième semaine, nous avons profité d’une réunion avec une partie de l’écosystème de la Transition pour réaliser une rivière de vie avec des personnes qui ne font pas partie de l’équipe. L’objectif de cette rivière de vie était d’aller voir tout ce qui a été fait autour du « soutien à la Transition » jusqu’à aujourd’hui. Ce qui nous intéressait, c’était d’aller voir tout ce qui a été favorable ou défavorable à la Transition au sens large. Nous n’avons plus forcément mis l’ASBL au centre et nous avons ouvert notre attention à tout ce qui soutient la Transition, en tout cas chez nous.
Nous avons écrit et dessiné sur de longues feuilles, en silence, puis en parlant, tous les événements marquants. Nous avons terminé, après une balade dans le jardin, par un moment d’échange sur les « patterns ».
Y a-t-il des schémas récurrents ? Quelque chose qui s’installe et qui se répète dont nous n’avons pas conscience ?
Voici quelques réflexions issues de ce processus de la « Rivière de vie »:
Le mouvement de la Transition grandit (la rivière grossit), mais les enjeux sur lesquels on travaille grandissent plus vite ! Et même si on bosse beaucoup, notre objectif semble parfois s’éloigner de nous.
La question de l’argent est systémique et reste constamment au centre de nos préoccupations.
Alors que le turnover de l’équipe est assez important, comment développer notre résilience ?
Le nombre d’initiatives passe de zéro à 130 en 6 ans, mais prend-on suffisamment le temps de célébrer cela ?
Nos boucles de rétroaction ne sont pas suffisantes: quel est le temps donné au feedback, à leur suivi et leur intégration ?
Comment s’arrêter en équipe et faire le point ? Même pendant ce moment d’hivernage, c’est super difficile !
L’image du tourbillon revient plusieurs fois : le tourbillon qui grandit de façon « Waouw », mais aussi le tourbillon qui éjecte et tourne fou : prenons-nous soin des des personnes qui quittent la Transition ?
On est partis avec l’idée que l’on devait vivre ce qu’on proposait, pour ensuite le partager. Il y a beaucoup de choses vécues, mais au niveau du partage, on n’est pas encore au point, on ne capitalise pas suffisamment sur les acquis.
On est en permanence sur un nouvel enjeu et un nouvel apprentissage.
Il manque d’acteurs politiques, médiatiques,… de notre point de vue, ils ne font pas suffisamment leur part du travail.
Tension entre un sentiment d’urgence et un besoin humain de ralentir.
Le tout est dans la finalité du Réseau Transition. L’ambition du Réseau n’est pas de sauver la planète, mais bien de soutenir les initiatives et acteurs qui renforcent la résilience au niveau local ! Et ça, on le fait bien !
Nous avons identifié un « pattern » récurrent : celui du penalty (les puristes de la permaculture accepteront-ils ce pattern ? Il fonctionne bien pour nous 😊 en tous cas). C’est-à-dire qu’on se prépare, on est bon, on est face au but… et on tire à côté (c’est à dire qu’on ne récolte pas assez les fruits du bon travail effectué). Et ensuite, on court déjà comme des dingues sur un autre objectif.

La semaine suivante, nous sommes arrivés dans la partie inférieure du U, à l’étape du lâcher-prise. Après avoir observé le terrain et fait émerger plein de choses, il nous fallait laisser composter tout cela. Mayliss et Caroline nous ont proposé de nous relier à plus grand que nous. L’automne nous a accompagnés dans ce lâcher-prise et nous avons vécu un beau rituel, soutenus par la forêt.

L’étape suivante a consisté à transformer les limites principales que nous observons en opportunités. Ce travail a été réalisé à nouveau avec des membres de l’écosystème de la Transition (des membres des cercles de transition intérieure et formation par exemple).

Les limites principales identifiées se situent à 4 niveaux
- Les outils de transition intérieure ne sont pas suffisamment intégrés dans notre fonctionnement journalier
- L’identité du Réseau Transition n’est pas suffisamment définie, et partagée et affirmée
- Des verrous systémiques et individuels nous empêchent d’accéder à des ressources financières et humaines
- Une tendance à fonctionner « en silos » dans les milieux de la transition

A partir de ces quatre limites majeurs, nous sommes actuellement occupés à définir des actions concrètes qui permettraient soit de lever ces limites, soit de les transformer en opportunités (cette méthode est issue de la permaculture humaine).
Convivi’AG – Continuer ce processus avec vous
Nous sommes impatients de vous partager plus en profondeur ce processus lors de la Convivi’AG du samedi 8 décembre (notre incroyable journée festive d’échanges entre Initiatives et acteurs de Transition). Notre objectif est de vous faire participer à cette dynamique afin de définir ensemble les projets à lancer pour émerger du « U » sur des bases plus solides !
Au plaisir d’échanger avec vous pour aider le mouvement de la Transition à passer au stade supérieur !